L'Oeuvre

Durée : 1h15


Un opéra mystique

NOUT, déesse du ciel de la mythologie égyptienne, symbolise le firmament. Elle est considérée comme la mère de tous les astres...

Cette opéra multimédia, qualifiée de mystique ou de provocatrice par le compositeur, pose certaines interrogations quant à sa destination. En effet, même si Pretor Part utilise de nombreuses allusions à plusieurs religions et croyances diverses, il invente sans cesse de nouvelles symboliques et de nouveaux rites. Adapté de ses Préludes pour Piano, cette oeuvre s'inscrit à la fois dans la mouvance des oeuvres aléatoires ou mystiques qui foisonnent à partir de 1968 (notamment chez des compositeurs comme Stockhausen), et à la fois comme une amorce du post-modernisme à venir. Il est vrai toutefois que le message contenu dans cet ouvrage reste très ambigu. Ici, le caractère religieux baigne dans une atmosphère souvent surréaliste, allant parfois jusqu'à l'absurde. Pretor Part, qui ne s'est jamais défini comme un croyant, définit son intérêt pour les rites religieux en ces termes :

Le rite apporte un élan artistique et créateur à celui qui le pratique. Comme l'art, il résulte d'un enseignement, d'un apprentissage technique (relativement complexe dans certaines religions). Comme en art, sa signification reste souvent obscure ou secrète, et donne lieu généralement à une interprétation subjective et personnelle. Enfin, comme l'art, il se nourrit de symboles, de formules, de répétitions, et s'agence fréquemment en véritable spectacle. Néanmoins, à la différence de l'art occidental, le rite n'est pas soumis à une évolution obligée. Il essaye au contraire de perpétuer une tradition séculaire : c'est la raison pour laquelle je m'inspire de toutes ces traditions dans mes oeuvres, pour mieux les transgresser par la suite, pour mieux m'en libérer.

(extrait des Confessions fantasques, inédit)



L'esthétique

La musique de Pretor Part est indiscutablement à l'image de sa création d'artiste plasticien : atypique, très contrastée et parfois même provocatrice. Il peut d'ailleurs être considéré à bien des égards comme un digne héritier d'un Erik Satie ou d'un John Cage. L'influence de la musique répétitive, telle qu'elle est pratiquée aux Etas-Unis, ou surtout par certains musiciens estoniens - comme son presque homonyme Arvo Pärt - est également très importante. Pretor Part ne s'éloigne que rarement d'une référence modale qui inspira bon nombre de compositeurs slaves. Ses recherches musicales l'ont amené entre autres à élaborer un style de musique qu'il a lui-même baptisé Hi-Sense Music.



La Hi-Sense Music

Ses rythmes souvent rapides et répétitifs, bien qu'irréguliers, presque issus d'une transformation de la mélodie en rythmes, pourraient parfois s'apparenter à de la musique techno, si ce n'est que la Hi-Sense Music privilégie les instruments acoustiques (amplifiés ou transformés électroniquement) au détriment des appareils numériques. Il s'agit en effet d'une musique de concert qui requiert des interprètes de talent. Des projections vidéos, ainsi que des chorégraphies, conçues en interaction avec la musique, viennent également renforcer cette dimension scénique et spectaculaire.

La voix chantée est davantage traitée comme un instrument de musique. Accompagnant la plupart du temps les autres musiciens, bien loin de jouer le rôle habituel et convenu du soliste, elle s'exprime surtout par des vocalises. Les mots ne sont réservés qu'à la voix parlée qui ponctue fréquemment le discours musical et confère à cet univers sonore un caractère dramatique, accentué par des interpolations de bruitages pré-enregistrés ou de synthétiseurs analogiques programmés en direct : des mots dont la syntaxe se manifeste souvent par bribes, laissant ainsi à l'auditeur le soin de puiser au plus profond de son inconscient les représentations mentales qui l'accompagnent.

La Hi-Sense Music est une musique inspirée, humaniste, sur laquelle il est à la fois possible de danser, de méditer, d'apprécier les performances techniques des interprètes virtuoses, de faire vibrer tous ses sens au spectacle sonore et visuel que nous offre cette esthétique pluridisciplinaire, à la fois au carrefour et en marge des tendances multiples de la fin du XXe siècle. C'est la victoire de l'analogique sur le numérique, de l'humain sur la machine, de la technique sur la technologie !

Journal SUD-OUEST