QUELQUES CLES
pour L'ANALYSE MUSICALE
et LA DISSERTATION

par Pascal Pistone

 

 

TABLE DES MATIERES

Préambule : Suivre l'instinct

I- A QUOI SERT L'ANALYSE ?

II- LE TRAVAIL PREPARATOIRE : LA DECOMPOSITION PARAMETRIQUE

III- LA DISSERTATION

I- L'introduction
II- Le développement
III- La conclusion

IV- EXERCICES PRATIQUES

I- La recherche d'une problématique
II- La formulation d'un plan d'idées
III- Extraits à commenter

 

 

Préambule :
Suivre l'instinct

Il y a différents types d'approches en analyse musicale, et donc plusieurs méthodes. Celles-ci sont plus ou moins appropriées selon les oeuvres, les époques, les compositeurs. Citons entre autres les méthodes de Riemann (fonctions riemanniennes), Schenker (réductions schenkeriennes), Conyus (analyse métrotectonique), ou encore la Set theory (théorie des ensembles), l'analyse assistée par ordinateur, etc. Tel l'archéologue ou l'explorateur qui cherche à localiser un site, ou à déchiffrer un document, l'analyste doit mettre évidemment toute sa culture musicologique à contribution afin d'orienter ses recherches vers les divers aspects de la partition. Il est inutile par exemple de chercher la trace d'une série dodécaphonique dans une oeuvre antérieure à 1923 (date de la première pièce dodécaphonique par Arnold Schoenberg). Il est évidemment plus facile de chercher ce qu'on suppose devoir trouver.

Cependant, cela ne suffit pas : il reste heureusement, même pour un musicologue chevronné, une très large part d'inconnu au prime abord d'une partition. Et face à la complexité que peut représenter une oeuvre à décrypter, il n'est aucune méthode capable, en peu de temps, d'apporter à coup sûr une réponse à cette énigme. Devant un ouvrage complexe pour orchestre, comment savoir là où il faut chercher en priorité, là où il est peut-être opportun de sonder. Une transcription de toute la partition sous forme de synopsis, permettant de mettre en évidence la plupart du matériau compositionnel utilisé - est évidemment impossible durant une épreuve de trois heures. Alors que faire ?

La solution que nous allons proposer pourrait paraître peu scientifique et pourtant, elle est reconnue par la plupart de ces explorateurs de la musique : suivre son instinct (celui-ci vous dira où chercher, et avec quel type d'approche).

Le tout est de savoir désormais comment développer cet instinct : sûrement en analysant de plus en plus de partitions, en écoutant énormément de musique. L'instinct n'est après tout qu'une activité inconsciente de l'esprit qui utilise toutes ses connaissances, toutes ses expériences, en quelque sorte à notre insu, pour livrer presque immédiatement ses déductions. Des disciplines aussi sérieusement étudiées aujourd'hui, telles que la radiesthésie, ne s'appuyent pas sur des théories très différentes. Mais nous pourrions citer tout aussi bien cette fameuse phrase du philosophe Leibniz : "La musique est un exercice d'arithmétique inconscient de l'esprit qui ne sait pas qu'il est en train de compter."

Cela dit, avant de développer ce fameux instinct, fruit d'une expérience et d'un contact quotidien avec la littérature musicale, voici quelques conseils pour commencer l'étude de l'analyse.

 

 

I- A quoi sert l'analyse ?

Une diversité des approches

D'un point de vue pédagogique, rappelons si nécessaire qu'il est important d'expliquer, avant toute chose, l'utilité et le bien fondé de la matière enseignée. Trop d'étudiants avouent ne pas comprendre l'intérêt de l'analyse musicale pour une future carrière autre que celle de compositeur ou de musicologue. Il est vrai qu'il y a plusieurs dimensions possibles dans l'étude d'une partition :

- la dimension poïétique (non loin de l'approche musicologique) : faire jaillir l'intention du compositeur (à l'aide des brouillons, manuscrits, lettres et commentaires de l'auteur)

- la dimension esthésique (proche du commentaire d'écoute) : mettre en évidence ce qui est perçu à l'audition

- la dimension de l'oeuvre en elle-même (le niveau neutre de la partition) : mettre en évidence ce que l'on n'entend pas forcément à l'audition, mais qui est contenu dans l'oeuvre, considérée alors comme une entité, indépendante de l'intentionnalité du compositeur ou de la réception par l'auditeur (par exemple, des permutations sérielles)

- la dimension historique (démarche de l'historien) : replacer l'oeuvre dans le contexte de l'époque (par exemple, la musique officielle en URSS)

- la dimension esthétique : comparer l'oeuvre du compositeur avec celles de ses contemporains (par exemple, la place de Pelléas et Mélisande de Debussy dans l'opéra français du début du XXe siècle)


Une subjectivité permise

Trop souvent, certains étudiants redoutent d'exposer des idées personnelles sur une pièce, de peur d'être les seuls à les concevoir. Est-il besoin de rappeler qu'une fois l'oeuvre écrite, elle se doit d'échapper à la seule interprétation du compositeur, qui n'aura parfois pas entrevu certains aspects de sa pièce - ou alors peut-être inconsciemment ? De plus, on sait bien que les compositeurs sont rarement les meilleurs analystes de leurs propres oeuvres. Il suffit qu'un musicologue, un lecteur, ou n'importe quel auditeur entrevoie un aspect de la partition pour que celui-ci mérite d'être pris en considération. Il appartient alors à l'analyste ou au musicographe, qui exprime sa vision d'une oeuvre par les mots - à la différence de l'interprète qui l'exprime à travers son instrument - d'expliquer au mieux son propos afin de convaincre le lecteur et de le faire adhérer autant que possible à son point de vue.


Une fonction pédagogique

Outre une recherche d'adhésion, il y a, dans l'analyse musicale, une démarche pédagogique. L'analyste doit contribuer à faire ressortir ce qui est intéressant et original dans l'oeuvre. Un peu à la manière des critiques littéraires ou cinématographiques, il pourra dévoiler certaines clés qui aideront à la compréhension et à l'écoute de la musique par des publics moins avertis. Néanmoins, à la différence du métier de critique, le travail de l'analyste n'a rien de normatif, et ne consiste ni à déconseiller l'écoute de l'ouvrage, ni à fustiger le travail du compositeur. A ceux qui prétendent un peu naïvement qu'on ne peut enseigner à apprécier une oeuvre d'art, et encore moins à la comprendre, nous conseillerons de se reporter au chapitre intitulé "Initiation aux sciences cognitives" de notre ouvrage Introduction à l'acoustique musicale et aux sciences cognitives. En effet, de la même manière que le goût et la curiosité peuvent s'exercer - la compréhension musicale est liée à des processus d'acculturation bien précis; de même, si l'art conserve toujours sa part de subjectivité et de mystère, les concepts de beauté et d'originalité dépendent fortement des notions de grille d'écoute et de représentations mentales. N'est-il pas largement admis aujourd'hui que l'amour et la compréhension de la littérature passent nécessairement par l'étude, l'analyse et l'explication des grands textes, de la classe de sixième à la première ? Pourquoi ce qui est vrai de la poésie ne le serait-il pas de la musique ? Les symboles cachés, les non-dits, les ambiguïtés sémantiques contenus dans un poème de Mallarmé n'existent-ils pas à leur manière dans une partition de Debussy ?


Une auto-psychanalyse

Un peu à la manière de l'approche psychanalytique d'un individu, l'analyse d'une oeuvre artistique permettra très souvent de soulever un paradoxe, une ambiguïté dichotomique contenue dans l'ouvrage et sur laquelle s'appuyera toute la problématique exposée par le commentateur, à ceci près que celui-ci - à la différence de l'analyste - n'hésitera pas à s'impliquer personnellement, à travers le prisme de ses origines, de sa culture, de ses habitudes et de ses goûts. Sans ramener la dissertation d'analyse à un exercice de sophistique, il est néanmoins évident que toute analyse est orientée : on pourra trouver autant d'approches différentes d'une même oeuvre que d'analystes. Nous pourrions presque dire que l'analyse consiste à parler de soi, à travers le commentaire d'une réalisation artistique, devenant par là même le prétexte d'une évocation auto-analytique. On comprendra aisément que face à la complexité et l'abondance de problématiques possibles qui entourent un ouvrage, le problème du choix d'orientation devient alors crucial.


Une transmission du répertoire

Il convient également de rappeler que le musicologue, le théoricien et l'analyste ont une mission essentielle : celle de contribuer à la sauvegarde d'un patrimoine artistique. Nous avons montré que l'analyse d'une oeuvre était une forme d'interprétation qui, en tant que telle, permet donc à l'oeuvre d'exister. Les organismes de diffusion (salles de concerts, festivals, médias de toutes sortes), les directeurs artistiques, ou encore les programmateurs ne peuvent évidemment pas assurer une transmission régulière et impartiale de l'ensemble du répertoire musical. Leurs programmations sont dépendantes de contingences financières, de phénomènes de modes, et sont bien souvent assujetties à des peurs farouches de se montrer trop original, trop iconoclaste, trop élitiste. L'oeuvre d'un compositeur soudainement tombée en disgrâce, ou jugée trop complexe, ou pas suffisamment rentable, peut parfaitement disparaître de la programmation des salles de concerts, sans que le public en prenne réellement conscience. Seul le travail du musicologue et de l'analyste permettra alors de réhabiliter ce catalogue, de rappeler à la mémoire de leurs contemporains tout l'intérêt et la beauté des oeuvres en question; le cas par exemple de la musique de Charles Ives, commentée de plus en plus depuis quelques décennies, illustre parfaitement ce propos.
Bien évidemment, les enseignants sont également essentiels dans la transmission de ce patrimoine, car ils ont en principe toute latitude pour choisir et commenter les oeuvres qu'ils donneront à travailler à leurs élèves. Pourrions-nous imaginer un professeur de piano, faisant travailler un concerto de Ravel, incapable de renseigner l'élève sur la nature d'un accord ou la forme du morceau ? C'est la réputation même de son conservatoire qui serait alors en péril.


Un enjeu esthétique et un statut social

Enfin, à l'instar du commentaire sur l'art contemporain, c'est véritablement l'analyse musicale qui confère au musicien classique le statut très privilégié qu'il connaît depuis plus de deux siècles. Du maestro au professeur respecté, du lauréat d'un concours international au diplômé d'une grande institution musicale, du soliste au premier violon, tous ces musiciens respectables et respectés ne seraient sans doute aujourd'hui que de simples ménestrels, si tout une pléiade de théoriciens (depuis l'Antiquité et surtout à partir de la Renaissance) n'avait disserté, spéculé, débattu sur les oeuvres, les techniques et les esthétiques musicales. L'ensemble de ces points de vue a permis, sans nul doute, bien des polémiques (Querelle des Bouffons, etc.) à l'origine de la motivation nécessaire chez chaque compositeur pour dépasser le langage de ses aînés. Aujourd'hui, l'absence de débats (autrefois souvent houleux), de cabales, de scandales, la disparitions des critiques musicaux, le communautarisme esthétique lié au répertoire des ensemble de musique contemporaine trop souvent adossé à des courants musicaux bien précis (tout comme la refus désormais de la part des orchestres classiques de jouer systématiquement une création à chaque concert), conduit à une forme de consensus mou, expliquant la marasme et une certaine stagnation de la musique d'aujourd'hui (d'aucuns diront qu'il n'y a pas eu de langages nouveaux depuis l'invention de la musique spectrale il y a 30 ans). Il me plaît de rappeler régulièrement, de façon volontairement provocatrice, à l'ensemble des notables du corps musical français (professeurs, directeurs, etc.) qu'ils doivent une grande partie de leur respectabilité, de leur statut (et de leur salaire), à l'ensemble de ces théoriciens et analystes de la musique qui ont transformé un langage abstrait et des sonorités invisibles, en un enjeu esthétique, parfois même politique, des plus sérieux.


Une compréhension de toute la musique

En dernier ressort, l'analyse contribue à apporter du sens. L'analyse d'une seule partition peut permettre indirectement d'exprimer des réponses aux grandes questions intrinsèques à la musique, comme par exemple :

- Le discours musical converge-t-il nécessairement vers la dernière mesure, et celle-ci constitue-t-elle toujours un aboutissement de l'oeuvre ?

- L'oeuvre est-elle le reflet exact d'une époque, ou plutôt de la vision d'une époque par un compositeur à un moment précis ?

- Ou au contraire un ouvrage peut-il traverser les époques et revêtir un caractère universel, atemporel, et conserver le profil d'une oeuvre dont on dit qu'elle est restée moderne et qu'elle ne vieillit pas ? Et si c'est le cas, qu'est-ce que cela signifie réellement ?

Une formulation convaincante

Néanmoins, tenir en haleine le lecteur par le biais d'idées aussi farfelues que possible ne sert à rien. Le but d'un écrit d'analyse est encore une fois de se montrer convaincant, sur la pertinence du propos, par la logique de la pensée, par l'utilisation d'exemples appropriés. N'oublions pas que dans le mot "convaincre", il y a "vaincre" : la dissertation d'analyse devient alors un combat entre la formulation de votre vision personnelle de l'oeuvre, et le scepticisme instinctif de votre lecteur. On comprendra donc que, dans cet exercice délicat, la forme est aussi importante que le fond : la manière dont vous allez structurer et présenter votre pensée est donc capitale.

 

 

II- Le travail préparatoire :
la décomposition paramétrique

1°) Un des principaux éléments constitutifs de la forme réside indiscutablement dans la répétition. C'est souvent par ailleurs ce qui est le plus aisé à entrevoir dans la partition comme durant l'écoute. Relevez par exemple :

- un thème exposé, puis réexposé
- un motif en imitation
- un rythme caractéristique
- un accord répété
- un intervalle récurrent

Ne pas hésiter à transcrire (s'il s'agit d'une partition pour orchestre) tous ces éléments répétés.

On sera particulièrement attentif à la polarité exercée par certaines notes plus importantes que d'autres, parce que beaucoup plus présentes et surtout parce que le discours mélodique s'articule très souvent autour de celles-ci. C'est particulièrement évident dans le cas d'une oeuvre atonale de la période expressionniste (donc antérieure au système dodécaphonique).

 

2°) Puis, on s'attachera à entrevoir certaines particularités concernant le système :

- des hauteurs (tonal, atonal, sériel)
- des rythmes (rythmes non rétrogradables ?)
- de l'effectif
- de l'instrumentation (le traitement de chacun des instruments)
- de l'orchestration (l'utilisation de l'ensemble de l'effectif)
- des nuances

 

3°) Caractériser les thèmes et motifs.

- Quel est l'ambitus ?

- l'intervalle dans lequel cet ambitus est compris
- la note la plus aiguë
- la note la plus grave

- Y a-t-il des intervalles caractéristiques ?
- S'agit-il d'un motif ascendant ou descendant ?
- Certaines notes sont-elles plus importantes que d'autres ?
- Quel est le système d'écriture des hauteurs utilisé : modalité, tonalité, chromatisme, sérialisme, transcription de lettres en musique (par exemple B-A-C-H), citation ?
- Le motif s'articule-t-il en plusieurs parties (par exemple antécédent et conséquent) ?

 

4°) Comparer les caractéristiques des différents motifs tout au long de l'oeuvre.

 

5) Enfin on essayera d'entrevoir la forme vivante du morceau, au-delà de l'identification des différentes parties.

Pour cela, ne pas oublier qu'il y a bien souvent, dans la graphie de la partition, des éléments indicateurs importants pour déceler plan et forme (doubles barres, points d'orgue, contrastes dans le densité de l'écriture ?)

 

6) On s'interrogera également sur le genre musical de l'oeuvre, en prenant en considération les points suivants :

- la fonction (pièce introductive, morceau autonome, musique de danse ?)
- la destination (religieuse, profane)
- le sujet (programme, livret, paroles d'oeuvre vocale ?)
- la nomenclature (trio, quatuor ?)
- la structure (nombre de mouvements, plan)
- le lieu d'exécution (bal, église, plein air, salle de concert, salon ?)
- la nature du support (partition, bande magnétique, vidéo ?)

Surtout, on ne perdra jamais de vue le fait que cette description paramétrique ne constitue nullement une fin en soi, et qu'elle ne comporte aucune espèce d'intérêt si elle n'est pas utilisée, dans un second temps, afin d'alimenter une démonstration esthétique personnelle sur l'ouvrage étudié.


III- La dissertation

 

I- L'INTRODUCTION

N'hésitez pas à limiter votre sujet en définissant une problématique dès l'introduction.

Prenez soin par ailleurs de ne pas dévoiler déjà le résultat des recherches dans l'énoncé du plan.

Eviter d'écrire par exemple : " Nous verrons dans une première partie comment le langage discontinu provoque un sentiment d'instabilité chez l'auditeur. "

Contentez-vous plutôt d'annoncer : " Nous étudierons dans une première partie le rôle du langage discontinu. "

 

II- LE DÉVELOPPEMENT

Chaque partie du développement de votre dissertation doit traiter de l'ensemble de la pièce à analyser. Evitez donc de consacrer chaque partie à une section particulière du morceau, sauf si l'une de ces sections illustre plus particulièrement l'idée exposée.

Voici quelques exemples de parties fréquemment utilisées dans des dissertations d'analyse, de commentaire d'écoute ou d'histoire de la musique.

1) Plan avec parties antinomiques

N'oublions pas qu'une problématique souligne très souvent une dualité contenue dans l'oeuvre (par exemple, le divertissement et le tragique dans La Traviata de Verdi, ou bien l'amour et la mort dans Tristan de Wagner, ou encore la joie et la tristesse dans La Valse de Ravel).

A) Tradition - B) Modernité

A) Continuité - B) Discontinuité

A) Simplicité - B) Complexité

A) Ordre - B) Désordre

A) Statisme - B) Dynamisme

A) Transparence - B) Opacité

Exemple : Le Marteau sans maître de Boulez
A) Le caractère surréaliste &endash; B) L'esthétique post-sérielle
L'antinomie réside dans le fait que le surréalisme conduit à une dissolution des formes et des concepts, alors que le post-sérialisme devient un moyen de structurer le discours ; c'est ce qui va alimenter toute la problématique de l'exposé.

 

2) Les parties paramétriques

D'une manière générale, il faut absolument éviter les plans paramétriques comportant des parties telles que la forme, l'harmonie, le rythme ou l'orchestration, qui engendrent maintes répétitions. Néanmoins, certaines particularités formelles, harmoniques, rythmiques ou instrumentales peuvent parfois s'inscrire dans une véritable problématique.

L'ambiguïté de la forme - Ex. : 3e mouvement du Concerto en sol de Ravel que l'on peut interpréter à la fois comme un rondo, une sonate, un rondo sonate ou une forme lied

La forme en arche comme principe générateur (forme en arche du mouvement, utilisation de rythme non rétrogradables ?) : ce qui suggérerait l'idée d'une forme fractale

Le refus de la tonalité - Ex. : une oeuvre atonale de la période expressionniste de la Seconde Ecole de Vienne

La virtuosité démonstrative - Ex. : une étude pour piano de Liszt

La sensation d'atemporalité - Ex. : certaines oeuvres orchestrales de musique spectrale

La complexité rythmique

 

3) Les influences musicales

Le caractère populaire (simplicité des mélodies, rythmes dansants ?) - Ex. : Symphonie cévenole de d'Indy

L'influence du jazz - Ex : oeuvres de Gershwin

L'influence espagnole (rythmes de castagnettes, thèmes espagnoles ?) - Ex. : Alborada del gracioso de Ravel

L'influence beethovénienne - on parlera volontiers de " l'héritage beethovénien " pour des compositeurs un peu postérieurs à Beethoven tels que Weber ou Schubert

L'influence wagnérienne (chromatisme, envolées lyriques, densité de l'orchestration ?) - on évoquera " l'héritage wagnérien " pour des compositeurs un peu postérieurs à Wagner tels que Richard Strauss ou Schoenberg

L'influence néo-classique (régularité rythmique, simplicité mélodique voire harmonique ?)

La référence à la musique médiévale (modalité, cadences à double sensible, timbres évoquant des instruments anciens ?) - Ex. : oeuvres de Fauré

 

4) La référence au titre

Ne pas négliger le titre de l'oeuvre qui peut être bien souvent une indication précieuse. Certains titres contiennent parfois même les deux idées phares de votre problématique.

Exemples :

Jeux d'eau de Ravel : A) Le jeu de la forme ("jeux") &endash; B) L'esthétique française au service d'une clarté cristalline ("eau")

" Danse sacrale " (extrait du Sacre du printemps de Stravinsky) : A) Le caractère tribal de la danse &endash; B) L'hymne sacré au printemps

Thrène pour les victimes d'Hiroshima de Penderecki : A) La déploration (évoquée par le mot "thrène") &endash; B) Le modernisme de l'écriture (suggéré par la technologie moderne de la bombe atomique lâchée sur Hiroshima)

 

5) La référence au sujet, à l'action

De même, pour une oeuvre à programme, ou un poème symphonique s'inspirant d'une histoire, on pourra consacrer une partie à la narrativité (ou à la dramaturgie dans le cas d'une pièce vocale).

 

6) Le rapport texte / musique

Il faut caractériser la relation musique / texte. Par exemple : la mélodie au service du texte, ou au contraire, la discordance entre le caractère musical et le sens du texte

 

7) La référence à un courant littéraire ou pictural

Le caractère baroque (Ex. : un madrigal de Monteverdi)

L'influence du Sturm und Drang (Ex. : une sonate de Beethoven)

La passion romantique (Ex. : un nocturne de Chopin)

L'empreinte symboliste (Ex. : Pelléas et Mélisande de Debussy)

La coloration impressionniste (Ex. : La Mer de Debussy)

 

8) L'évocation d'un sentiment particulier suggéré dans l'oeuvre

Le sentiment de la mort (Ex. : Requiem allemand de Brahms)

Le caractère pastoral (Ex. : 6e symphonie de Beethoven)

L'évocation de l'amour (Ex. : Tristan et Isolde de Wagner)

L'aspect ésotérique (Ex. : La Flûte enchantée de Mozart)

 

9) La nouveauté du langage par rapport à l'époque (démarches historique et comparative)

Uniquement pour certaines oeuvres révolutionnaires très novatrices telles que Le Sacre du printemps de Stravinsky, le Pierrot lunaire de Schoenberg, etc.

 

III- LA CONCLUSION

 

En conclusion, contrairement à une dissertation de philosophie, on n'attend pas forcément de vous que vous élargissiez la question en rebondissant sur une nouvelle problématique ! Néanmoins, si vous ne l'avez pas déjà fait dans l'introduction ou dans le développement, pensez à replacer l'oeuvre analysée dans le contexte de son époque, et comparez avec les périodes ou les oeuvres précédentes ou suivantes.

Enfin, profitez éventuellement de cette conclusion pour contrecarrer - comme lors d'une soutenance de mémoire ou de thèse - les faiblesses que le lecteur (en l'occurrence le correcteur) pourrait déceler. Pour cela, relisez votre développement d'un oeil critique, et relevez s'il y a lieu :

- les points manquants (vous les justifierez en affirmant avoir voulu limiter et cibler votre propos)

- les aspects redondants (vous les légitimerez en insistant sur l'importance de ces aspects)

- les digressions et hors sujet (vous les expliquerez en montrant le degré d'ambiguïté ou d'ouverture de la question)

 

 

IV- Exercices pratiques

 

I- La recherche d'une problématique

Trouver des idées neuves et personnelles demande parfois du temps et de la maturation. Il est néanmoins des techniques qui permettent de stimuler votre imagination et vous laissent entrevoir des aspects nouveaux sur l'oeuvre étudiée, voire des problématiques auxquelles vous ne pensiez pas. Prenez par exemple un mot au hasard et étudiez les rapports que l'on peut entrevoir entre ce mot et la partition à analyser. Il s'agit d'un exercice qui vous semblera peut-être curieux, mais qui développera chez vous des associations d'idées nécessaires à l'élaboration d'une problématique personnelle.

Exercice n° 1 : Etudiez les rapports possibles entre le Prélude à l'après-midi d'un faune de Debussy et le mot "train".

Proposition de corrigé :

- le train emporte les gens quelque part => Le discours musical de cette partition emporte-t-il l'auditeur, à moins que la fin de l'oeuvre ne constitue un véritable retour au thème et au climat du début ?

- technologie de la machine => Cette oeuvre de 1898 annonce-t-elle réellement le siècle à venir, ou n'est-elle pas surtout une synthèse du langage musical de la fin du XIXe siècle.

- train de jour / train de nuit => Comment s'articule l'opposition entre le thème de la flûte du faune (nocturne) et le thème lyrique des cordes (diurne) ?

- la locomotive tire les wagons => Debussy s'inscrit-il comme le chef de file d'une tendance moderniste, ou tient-il une place plutôt à part dans la vie musicale de son temps ?

- la sirène du train => Les motifs de l'oeuvre constituent-ils une signalétique leitmotivique du type wagnérien ?

- le contrôleur du train => Malgré l'extrême rigueur et le contrôle formel présents dans la partition, l'oeuvre peut-elle évoquer une certaine impression de liberté ?

- le train-train quotidien => Comment les variations progressives du thème du faune empêchent-elles tout sentiment de redondance ?

- les roues motrices du train => L'impression d'ensemble est-elle plutôt narrative ou statique ?

Exercice n° 2 :

Définir plusieurs problématiques possibles sur le second mouvement d'Apparitions de Ligeti.

Proposition de corrigé :

- L'opposition musicale entre blocs sonores et émergence peut-elle symboliser - aux yeux d'un Ligeti qui, un an avant d'écrire Apparitions, a fui le régime de l'Est - la dichotomie qui existait selon lui entre le bloc communiste et le désir d'émergence des individualités bafouées par le système politique ?

- Cette oeuvre, qui fit scandale à sa création, a-t-elle surtout dérouté par la complexité du matériau musical utilisé (nature des accords et des clusters), ou par la complexité de la mise en oeuvre de ce matériau (c'est-à-dire la forme et l'agencement de nature imprévisible) ?

- Peut-on entrevoir des rapprochements entre le travail rythmique de ce morceau, et celui que Ligeti effectuera vingt ans plus tard dans ses études pour piano, d'une tout autre esthétique ?

 

II- La formulation d'un plan d'idées

Le principal écueil à éviter dans le cadre d'un écrit d'analyse - comme pour une épreuve d'harmonie écrite d'ailleurs - est de se conforter dans l'idée que face à trois ou quatre heures d'examen, on peut se permettre de travailler lentement. Trop d'étudiants, de peur de ne pas mettre suffisamment à profit le temps d'épreuve qu'il leur est imparti, et de peur surtout de développer des idées trop à la hâte, se font piéger par l'heure et finissent par bâcler leur devoir. Entraînez-vous dès maintenant à penser rapidement. La préparation à l'épreuve orale de commentaire d'écoute - telle qu'elle est imposée par exemple à l'Agrégation de Musique - constitue dans ce domaine un des meilleurs exercices, à condition que le commentaire soit formulé avec un plan d'idées.

Voici une liste d'extraits musicaux sur lesquels vous pouvez vous exercer. Ecoutez deux fois chaque extrait et ne vous donnez pas plus d'une minute pour proposer un plan d'idées en 2 parties. Pour y parvenir, vous devrez, à la fin de chaque écoute, vous poser la question suivante : "Quelles sont les deux principales caractéristiques, ou les deux particularités étonnantes contenues dans cette oeuvre ?" : ce seront les deux parties de votre exposé à l'intérieur desquelles vous répartirez tous vos commentaires analytiques. J'avoue qu'il faut parfois se forcer à tout prix à entrevoir deux aspects relativement originaux dans l'oeuvre. Mais il s'agit là essentiellement d'un moteur, inspirant la démarche de l'analyse : il serait en effet difficile de commenter une oeuvre qui ne susciterait aucune exaltation et pas le moindre sentiment de se trouver face à une composition tant soit peu particulière. Posez-vous sans cesse la question : "En quoi l'oeuvre est-elle originale ?" Cela vous aidera à trouver des idées.

 

III- Extraits à commenter

Déterminer un plan d'idées en deux parties (vous pouvez envoyer vos propositions de plan par mail : contact@vaisseau.com - un corrigé vous sera envoyé en retour)

Exercice n° 1 : Sacre du printemps de Stravinsky ("Danse sacrale")

Exercice n° 2 : La Messe aux oiseaux de Jacques Lejeune (plage n° 6)

Exercice n° 3 : La Messe aux oiseaux de Jacques Lejeune (plage n° 16 et 17)

Exercice n° 4 : Symphonie n° 13 de Chostakovitch (2e mouvement)

Exercice n° 5 : Sonate "Waldstein" de Beethoven (1er mouvement)

Exercice n° 6 : Sonate "Waldstein" de Beethoven (2e mouvement)

Exercice n° 7 : Sonate "Waldstein" de Beethoven (3e mouvement)

Exercice n° 8 : Symphonie n° 3 de Gorecki (début du 2e mouvement)

Exercice n° 9 : Metastasis de Xenakis (début)

Exercice n° 10 : Le Marteau sans maître de Boulez ("l'Artisanat furieux")

Exercice n°11 : Chronochromie de Messiaen (début)

Exercice n° 12 : Etude pour piano n° 4 de Ligeti

Exercice n° 13 : Concerto de chambre de Ligeti (début du 3e mouvement)

Exercice n°14 : Concerto pour orchestre de Bartok (4e mouvement)

Exercice n° 15 : Khamma de Debussy (début)

Exercice n° 16 : Printemps de Debussy (début)

Exercice n° 17 : Requiem de Ligeti (début)